Télétravail : quel impact sur la productivité des salariés ?
Télétravail : quel impact sur la productivité des salariés ?
Depuis le début de la pandémie, le télétravail est devenu la norme pour de nombreux employés à travers le monde. Cette transition soudaine a eu un impact considérable sur les modes de travail et de management des entreprises. Certaines études ont initialement suggéré que les employés étaient plus productifs lorsqu'ils travaillaient à domicile, mais les résultats semblent plus nuancés sur le long terme.
La flexibilité offerte par le travail à distance a permis à de nombreux employés de gagner en qualité de vie et temps libre, et à reconsidérer drastiquement la place du travail dans leur quotidien. Cependant, ses conséquences sur l'engagement et la collaboration entre les équipes sont devenues de plus en plus apparentes, à tel point que de nombreuses entreprises envisagent désormais un retour au présentiel. Est-il toujours possible de concilier télétravail et productivité ?
Sommes-nous plus productifs en télétravail ?
Des effets positifs sur la disponibilité des salariés
Le télétravail offre une multitude d'avantages aux salariés : du temps économisé sur les trajets, un environnement de travail flexible et une plus grande autonomie professionnelle. En évitant les déplacements quotidiens pour se rendre au bureau, les travailleurs gagnent du temps libre qu'ils peuvent consacrer à leurs loisirs et au bien-être. Par ailleurs, le télétravail permet aux salariés d'éviter certaines nuisances rencontrées au bureau, en particulier dans les open spaces, bénéficiant à leur concentration et productivité. Selon une enquête du forum mondial de l'OCDE, 60% des dirigeants ont constaté une hausse de la productivité et 57% d'entre eux estiment que les salariés travaillent plus depuis chez eux.
L'enquête révèle révèle donc que télétravail et productivité ne sont pas incompatibles. Ces conclusions diffèrent évidemment en fonction du secteur d'activité et de la taille de l'entreprise. Néanmoins, les chercheurs observent que les entreprises innovantes, où le télétravail est le plus répandu, affichent une productivité supérieure à la moyenne. Ainsi, l'efficacité managériale resterait le principal facteur de productivité plutôt que le télétravail en tant que tel.
Une baisse de productivité au-delà de 2 jours télétravaillés
Les résultats de l'enquête montrent que la productivité des salariés progresse jusqu'à 1 ou 2 jours de télétravail avant de chuter progressivement. Ainsi, les gains de productivité du travail à distance, bien que positifs les premiers jours, sont négativement compensés au-delà d'un certain seuil.
Et pour cause, le travail à domicile peut engendrer de nouvelles difficultés, notamment pour délimiter les frontières entre vie professionnelle et personnelle, qu'on appelle aussi blur-out. Il est plus facile de se retrouver à travailler plus tard que prévu, de rester à l'affût de ses mails et donc de ne pas vraiment déconnecter en fin de journée.
Les défis du télétravail pour la productivité des salariés
Crise de l'engagement et hausse des risques psychosociaux
Seuls 7% des salariés français se sentent engagés dans leur travail selon le dernier rapport de Gallup, c'est le second taux le plus faible d'Europe. Les principales causes de ce désengagement sont la perte de repères au travail, le manque de support des managers et le manque de valeurs portées par l'entreprise. Par conséquent, les démissions ont atteint des niveaux records et les salariés expriment de nouvelles attentes en terme d'équilibre vie pro / vie perso et de sens au travail.
Une recherche publiée dans le MIT Sloan Management Review, confirme que le télétravail, en moyenne, améliore la productivité, mais entraîne une détérioration du bien-être des employés due à la dissolution des frontières entre vie privée et professionnelle. 36% des actifs considèrent leur état de santé mentale moyen ou mauvais selon le Baromètre de l'Absentéisme 2023 de Malakoff Humanis. Les troubles psychologiques et l'épuisement professionnel sont responsables de 32% des arrêts longs (de plus de 30 jours), soit 2 fois plus qu'il y a 3 ans.
Le télétravail affecte la santé mentale des salariés à plusieurs égards. Les horaires de travail semblent s'allonger, avec le temps autrefois dédié au trajet maintenant consacré à l'entreprise. Cela peut conduire à une augmentation de la charge de travail, souvent mal perçue par l'organisation. Certains ressentent également la pression d'être constamment joignables, même en dehors des heures de travail.
Par ailleurs, tous les salariés ne sont pas naturellement enclins à l'autogestion et au travail en dehors du cadre de l'entreprise, qui peuvent entraîner un sentiment d'isolement dû à la séparation physique d'avec les collègues et les clients. On observe également une diminution du sentiment d'appartenance à l'entreprise, susceptible d'impacter le niveau d'engagement et de performance des collaborateurs. Néanmoins, la tentation pour l'organisation de mettre en place un contrôle excessif du travail à distance peut aussi créer un stress supplémentaire pour le salarié.
Une baisse d'innovation et de créativité
Plus de 60% des personnes interrogées dans l'enquête de l'OCDE estiment que le télétravail nuit à l'innovation et à la créativité. Les nouvelles idées viennent souvent de discussions informelles entre collègues ou pairs et leur disparition est néfaste pour la croissance des entreprises à long terme.
Une étude de Melanie Brucks et Jonathan Levav, publiée dans Nature, a analysé l'impact du télétravail sur la créativité en comparant des équipes travaillant en direct et à distance via vidéoconférence. Les résultats montrent que les équipes en distanciel génèrent moins d'idées, mais parviennent mieux à organiser et sélectionner les meilleures idées. On retrouve parmi les tâches les mieux accomplies en personne le lancement de nouveaux projets et le brainstorming.
Cette dynamique souligne la nécessité d'analyser les effets du télétravail par segment. Certaines tâches sont "téléfragiles" et peinent en l'absence de contact physique, tandis que d'autres sont "télérobustes" et peuvent prospérer à distance. Cette distinction est cruciale pour une organisation efficace du travail à distance.
Perspectives pour le télétravail en 2024
Le PDG de Zoom a récemment exigé un retour au bureau de ses employés ; ironie du sort pour une entreprise qui a sans doute été l'un des plus grands bénéficiaires du travail à distance. Pourtant elle n'est pas la seule : une majorité d'entreprises de la tech peinent à faire revenir leurs employés, qui préfèrent souvent démissionner plutôt que de retrouver le bureau. Une chose est claire : le télétravail est là pour durer, mais sous quelle forme ?
Impact à long terme sur les modes de travail
Actuellement, 60% des travailleurs occupent des postes à temps plein sur site, souvent dans des secteurs moins rémunérateurs tels que le commerce de détail, la restauration, les voyages ou la sécurité selon un rapport de Stanford. Les travailleurs hybrides représentent environ 30% de la main-d'œuvre, jouissant généralement des meilleurs salaires et travaillant au bureau deux ou trois jours par semaine. À l'inverse, les employés entièrement en télétravail forment la plus petite proportion, représentant un peu plus de 10% du total.
Les proportions de travailleurs hybrides et à distance sont d'autant plus significatives chez les travailleurs de la connaissance. Plus de 70% d'entre eux ont au moins un jour de travail à distance, surtout chez les employés d'une trentaine et quarantaine d'années, et ceux ayant des enfants en bas âge. De manière générale, le degré de flexibilité avec le télétravail est positivement corrélé avec le niveau d'éducation.
Le travail hybride a transformé la manière dont les équipes interagissent et construisent leur culture, jusque dans la manière dont les individus se présentent. Par exemple, seulement 49% des employés affirment se mettre régulièrement en caméra lors des réunions virtuelles, contre 72% des employeurs. La flexibilité en termes d'horaires, d'apparence et d'outils de travail en dehors du bureau a également modifié la façon dont les employés interagissent avec le lieu de travail physique. Au lieu d'être un emplacement unique et régulier, le bureau est devenu une destination et un centre de connexion sociale. Plus que tout autre facteur, les employés citent la possibilité de rester socialement connectés à leurs collègues comme le principal attrait du bureau.
Prioriser le bien-être au travail
Bien que le rapport de Stanford indique une diminution de la productivité en distanciel, les travailleurs évaluent différemment leur efficacité selon le lieu de travail. Ce qui ressort, c'est que la productivité est étroitement liée au bien-être : des individus plus productifs sont généralement plus heureux, engagés, satisfaits, et enclins à rester dans leur entreprise. Les performances et l'implication individuelle sont aussi fortement corrélées au bonheur. Pour 34% des individus, la satisfaction au travail est la principale raison de rester chez un employeur selon B2B Reviews.
Lors de la mise en place du télétravail, établir des règles claires adaptées au profil, aux compétences et aux préférences de chacun est essentiel. Respecter et encourager le droit à la déconnexion est une priorité, tout comme le développement des compétences de gestion d'équipe à distance pour les managers. Selon l’article L.4121-1 du Code du travail, l'employeur "prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs". Il doit veiller à ce que les salariés disposent d'un espace de travail propice et aménagé pour éviter les troubles musculosquelettiques. En outre, encourager les employés à poursuivre des activités physiques et culturelles contribue à limiter les risques psychosociaux.
La gestion de l'équilibre vie pro / vie perso et l'entretien du lien social sont devenus des piliers de la qualité de vie et des conditions de travail. Les réunions en présentiel et les avantages sociaux sont des atouts stratégiques pour maintenir le niveau de satisfaction et la cohésion d'équipe. Dans ce contexte, les rassemblements autour du sport et de la culture sont de bons outils pour sensibiliser et fédérer les équipes.
Conclusion : travail hybride et adaptabilité
Pour faire fonctionner un modèle hybride, l'organisation doit se faire davantage par tâches que par grands ensembles de fonctions ou départements et s'adapter aux individus plutôt que de leur imposer de s'adapter à l'entreprise. Ces deux changements transforment fondamentalement nos modes de travail et nos méthodes de management.
Face à la pénurie de talents, les employeurs doivent également offrir des opportunités de croissance, des salaires et avantages attractifs, et former des leaders compétents. Ces initiatives sont source de motivation et créent un sentiment d'appartenance, qui se traduit à terme par des gains de productivité.
Les organisations les plus performantes seront donc celles qui parviendront à responsabiliser leurs employés sur la gestion autonome de leur environnement de travail, en encourageant leur quête de sens et d'excellence.