Peut-on faire de l'art avec l'intelligence artificielle ?
Le 15 septembre 2022 marque un précédent historique pour les adeptes d’art généré par intelligence artificielle (IA), jusqu’alors caractérisé par un flou juridique général. C’est la première fois que le droit d’auteur américain est accordé pour une œuvre numérique générée par IA. En effet, pour la plupart des sociétés de gestion collective, chargées de traiter ces demandes, une création générée par IA ne répond pas aux critères de paternité nécessaires à l’obtention du droit d’auteur.
Quelles implications pour le droit d'auteur ?
Le droit d’auteur vise à garantir à l’auteur d’une œuvre de l’esprit son exclusivité et le monopole de son exploitation. En France, il s’applique du seul fait de sa création, mais il est parfois conseillé de la déposer afin d’obtenir une preuve de paternité pour se protéger en cas d’abus.
À l’heure d’aujourd’hui, une création par intelligence artificielle n’est pas considérée comme une œuvre de l’esprit et ne peut donc pas faire l’objet d’un mandat d’exclusivité. Cela protège notamment les artistes-auteurs contre une forme de concurrence déloyale. Si ça n’était pas le cas, n’importe qui pourrait se proclamer auteur par la simple action de taper 3 mots sur un générateur d’images en ligne.
Alors qu’une myriade de logiciels de ce type prolifèrent depuis quelques années, de nombreux artistes et créateurs se révoltent contre ce qu’ils perçoivent comme du plagiat. Des sites comme Stable Diffusion ou Dall-E 2 permettent à leurs utilisateurs de générer des images uniques automatiquement, tandis qu’avec Synthesia ou Kapwing, il est possible de créer des vidéos ou des animations visuelles à partir d’un simple texte. Le problème, c’est que leurs algorithmes utilisent des images, photos et vidéos publiées auparavant sur internet par leurs auteurs, qui ne sont pas reconnus ou rétribués pour l’utilisation de leur contenu.
Les acteurs traditionnels réagissent
En guise de réponse à ce phénomène, certains sites d’hébergement d’images tels que Getty ou Shutterstock, ont pris l’initiative de supprimer toutes les images générées par IA présentes sur leur site.
Cette fermeté, comme l’explique Paul Hennessy, PDG de Shutterstock, est nécessaire le temps d’évaluer “l’impact que l’art généré par IA a sur [leurs] clients et contributeurs”. D’autres hébergeurs, comme Deviant Art et Art Station, pourtant très répandues auprès des artistes et designers, n’ont pas encore pris de mesures similaires, malgré les plaintes exprimées par leurs utilisateurs.
Conclusion
La question d’originalité dans le processus créatif ne date pas d’hier et semble caractériser l’impact qu’a l’innovation technologique sur les différentes formes d’art, en particulier lors de la transition de l’analogique au numérique. Pour ne prendre qu’un exemple, il a fallu des années pour reconnaître la valeur artistique du sampling (pratique qui consiste à réutiliser une source sonore enregistrée pour l’intégrer à une autre), largement répandu dans la production de musique urbaine. Il s’agit encore aujourd’hui d’un sujet controversé et étroitement régulé.
Avec l’émergence de l’art généré par IA, l’enjeu est une nouvelle fois de s’accorder sur la limite entre appropriation et transformation consentie par l’auteur afin de définir un cadre juridique commun.