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L’art au service de la mémoire

Jan 09, 2023

Chaque génération marque son passage avec un style unique dont chacun se rappelle avec nostalgie. Comment l’art s’inscrit-il dans notre mémoire individuelle et collective à travers le temps ?

Des fresques de Lascaux aux rames du métro, l’art s’inscrit partout comme un rappel de notre passage sur Terre. Contrairement au langage, l’art ouvre une interprétation beaucoup plus libre et universelle de nos expériences passées. Il est plus suggestif et laisse davantage de place aux émotions et à la sensibilité de chacun. En tant que tel, l’art constitue une forme de documentation particulière, dont l’interprétation évolue au fil du temps.

Lorsque les artistes peignent, sculptent ou photographient, ils arrêtent le temps pour immortaliser un lieu, une personne ou une pensée. Les traces qu’ils laissent sont des témoignages auxquels nous associons des souvenirs personnels et qui s’inscrivent dans notre imaginaire collectif.

L’esthétique raconte l’histoire

L’art forme l’esthétique générale de chaque époque et nous informe sur son contexte social et politique. Son importance dans notre compréhension du passé est primordiale. À la différence de registres d’État ou d’autres récits purement descriptifs, il nous renvoie dans une réalité complexe et subjective. En d’autres termes, l’art donne de la matière à notre imaginaire collectif pour reproduire des scènes du passé et se projeter dans un environnement révolu.

L’esthétique est l’étude de la beauté et du goût dans l’art, la culture et la nature. À travers l’art, nous pouvons nous renseigner sur différentes cultures et contextes historiques et la manière dont ils ont formé notre compréhension de la beauté. Chaque époque se distingue par une esthétique bien particulière, que nous pouvons aussi situer et interpréter grâce aux styles, techniques et supports utilisés par les artistes pour transmettre leurs idées et émotions.

l'histoire racontée par l'art

Prenons par exemple le toit de la Chapelle Sixtine, peint par Michel-Ange au début du 16ème siècle. Avec quelques notions d’histoire de l’art, nous sommes capable d’identifier certaines caractéristiques récurrentes dans les oeuvres de l’époque. Il s’agit d’une scène biblique avec des motifs et références inspirés de l’art et la littérature de Grèce et Rome antique. Les peintres de la Renaissance se distinguent ainsi nettement de leurs prédécesseurs du Moyen-Âge par leur amour pour le réalisme et l’observation. Les formes et proportions sont minutieusement respectées et les figures bibliques sont représentées nues, ce qui était inimaginable auparavant.

Si la portée descriptive de l’art nous permet d’étudier le passé sous un autre prisme, elle nous permet d’illustrer des émotions et sentiments ponctuels pour se rappeler d’un événement marquant de l’histoire.

Le devoir de mémoire

L’art commémoratif réfère aux oeuvres créées en l’honneur d’une personne, d’un événement ou d’un accomplissement qui a marqué l’histoire ou apporté une contribution significative à la société. Commissionnées par l’État ou des associations, leur rôle est de préserver la mémoire du passé sous forme de représentations visuelles durables dans les lieux publics. Elles nous permettent de réfléchir et de rendre hommage à notre histoire commune, afin d’éduquer le public et inspirer les générations futures.

L’art au service de la mémoire offre une perspective intéressante au récit commémoratif, en lui donnant un ancrage dans le présent. Il rend le devoir de mémoire plus personnel et ajoute un degré de sensibilité aux problématiques politiques qu’il accompagne. Comme le dit Christian Boltanski dans une chronique sur l’art et la mémoire :

La grande chose de l’art c’est qu’on ne peut parler que de soi, mais que chaque personne qui regarde votre œuvre pense qu’elle est faite pour elle.

Par ailleurs, l’art a la faculté de représenter l’irreprésentable ; ce que nous n’étions pas là pour voir ou ce qui dépasse notre entendement par sa gloire ou son horreur. L’artiste devient le médiateur entre l’audience et l’événement qu’il raconte grâce à la création d’un symbole. Alors que la signification du récit-témoin change avec le temps et l’évolution du langage, l’oeuvre mémorielle s’adapte à son auditoire et sa réalité.

art et mémoire

La mémoire émotionnelle

L’art n’est pas seulement un instrument de mémoire collective, il nous aide aussi à enregistrer les éléments marquants de notre histoire personnelle. Il nous permet de capturer et représenter les émotions associées à un moment ou événement en particulier du manière durable.

Pour les personnes ayant vécu un traumatisme ou une perte, les expériences artistiques peuvent être thérapeutiques. Elles leur permettent d’exprimer physiquement leurs émotions dans un cadre familier, en leur donnant une impression de contrôle et de sens. En effet, grâce à la distance qui les sépare de l’oeuvre, ils parviennent à prendre du recul sur leurs émotions et à mieux les comprendre. Par ailleurs, ils éprouvent plus naturellement de l’empathie pour celles des autres.

L'art-thérapie a par exemple démontré son efficacité sur les patients atteints d’Alzheimer. Leur pathologie se caractérise par un déclin cognitif, qui affecte leurs capacités de communication. La pratique artistique, par la peinture, la musique ou la danse, peut les aider à s’exprimer et faciliter les échanges avec le monde extérieur. Parmi ses bénéfices, on remarque une amélioration de la mémoire chez de nombreux patients, notamment ceux qui pratiquaient une de ces activité auparavant. Dans la vidéo suivante, une ancienne ballerine atteinte d’Alzheimer se rappelle sa chorégraphie sur l’air du Lac des Cygnes.

L’art est une forme de langage qui présente de très nombreux bénéfices sur la mémoire. Nous pouvons l’interpréter d’une infinité de manières selon sa nature, son contexte et son support. Sa portée émotionnelle et suggestive nous permet de l’assimiler facilement à notre expérience personnelle. Nous pouvons donc nous en servir pour nous identifier, communiquer et commémorer les moments marquants de notre existence de manière universelle.

Sources :